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En attribuant à leur distinguée collègue Lise Gauvin le prix Jacques-Saint-Pierre, les membres de l’APRUM ont voulu reconnaître l’immense contribution qu’une littéraire engagée peut apporter à l’avancement des connaissances et à l’enrichissement des liens sociaux. Lise Gauvin s’est illustrée dans un nombre impressionnant d’activités associées à la littérature : l’enseignement et la recherche, la création et la critique, l’édition savante, l’animation culturelle et même la performance scénique.
Un tel rayonnement s’est appuyé sur une formation portant déjà les marques d’ouverture qui allaient caractériser la démarche intellectuelle de Lise Gauvin. Détentrice de diplômes de l’Université Laval, de l’Université de Vienne et de la Sorbonne où elle obtient son doctorat en 1967, Lise Gauvin s’est récemment fait plaisir, en 2019, en complétant, à notre Faculté de Musique, un baccalauréat en piano commencé au conservatoire de Québec il y a de cela bien longtemps.
Le palmarès des réalisations de Lise Gauvin est trop long pour que nous puissions ici lui rendre justice : une présentation sélective permet de recenser 25 ouvrages collectifs dirigés ou co-dirigés et un nombre équivalent de numéros de revues spécialisées, ainsi que 24 essais ou œuvres de fiction et de poésie. À cela s’ajoutent les contributions qui ont assuré, sur le long terme, la présence de Lise Gauvin dans notre univers culturel, entre autres une participation régulière aux émissions de Radio-Canada à titre d’animatrice et de critique. Durant une vingtaine d’années, Le Devoir lui a confié sa chronique des « Lettres francophones », textes qui ont été regroupés dans l’ouvrage D’une langue, l’autre. Tracées des littératures francophones, paru en 1913.
Nous touchons ici à ce qui nous paraît la contribution majeure et originale de Lise Gauvin : l’étude des modes d’inscription de la littérature dans l’espace social tels qu’ils se façonnent dans leurs rapports avec la langue. Un ambitieux ouvrage de synthèse traite de ce sujet, La fabrique de la langue, de François Rabelais à Réjean Ducharme (2004, 2010) qui a été désigné comme un des 100 meilleurs livres sur la langue française. Lise Gauvin y interroge les moments où la langue se renouvelle dans le contact entre langage et création littéraire plutôt que dans ce qui la régule et la légitime, comme la norme grammaticale et le dictionnaire. À son engagement indéfectible envers la littérature québécoise à laquelle elle apporte elle-même une contribution significative, Lise Gauvin a combiné un intérêt soutenu pour les littératures francophones se développant hors de l’Hexagone. Plusieurs de ses écrits, qui vont de la monographie d’auteur à l’essai critique, abordent cette question qu’elle a aussi explorée dans un groupe de recherche interuniversitaire (GRILL) mis sur pied avec le sociolinguiste Jean-Marie Klinkenberg. Ce vaste champ d’investigation a permis à Lise Gauvin de développer le concept de surconscience linguistique, concept qu’elle définit comme la possibilité de réinventer la langue quand celle-ci n’est pas un acquis, quand elle s’énonce dans un contexte de relations conflictuelles entre plusieurs langues ou entre plusieurs niveaux de langue.
La contribution de Lise Gauvin à l’élargissement du champ littéraire et au renouvellement de ses problématiques de recherche est inscrite dans l’histoire même de notre institution, puisque le Département d’études françaises, qu’elle a dirigé de 1999 à 2003 après y avoir été responsable du programme en études québécoises de 1986-1998, s’appelle depuis 2006 le Département des littératures de langue française.
De nombreux signes de reconnaissance et titres honorifiques, auxquels l’actuel Prix Jacques Saint-Pierre ajoute sa modeste contribution, sont venus souligner l’excellence et l’importance de la contribution de Lise Gauvin à la littérature de langue française. Signalons, parmi les plus récents dans une longue liste, sa consécration comme Officière de l’ordre national du Québec (2015) et sa réception (2018) du Prix Georges-Émile Lapalme, la plus haute distinction attribuée à une personne pour sa contribution remarquable à la promotion et à la qualité de la langue française parlée et écrite au Québec. Enfin, juste au moment où l’APRUM avait décidé de lui rendre hommage, elle reçoit, en 2020, Le Grand Prix de la Francophonie de l’Académie Française, plus familièrement connu sous l’appellation de « Médaille de Vermeil ».
La langue se pense et se renouvelle dans sa rencontre avec la littérature. Lise Gauvin, toujours fidèle à ce principe, nous annonce qu’elle va faire paraître, aux éditions Leméac en septembre prochain, son dernier roman que nous lirons avec plaisir.