Puisqu’on en est aux confidences, voici en quelques mots mon histoire avec la musique. Ou comment j’en suis venue à passer du statut de professeure émérite à celui d’étudiante régulière à la Faculté de musique de l’Université de Montréal, en route vers un Baccalauréat en Musique, option piano, diplôme que je devrais obtenir, à moins d’imprévus, en décembre 2018. En fait, il s’agit plutôt d’un double statut car, comme Lorraine Vaillancourt, je poursuis tout de même l’ensemble de mes activités de recherche et d’écriture, étant toujours aussi passionnée par le métier que j’ai choisi. Contrairement à Jean LeTourneux, je n’ai jamais fait de la musique de façon professionnelle. J’étais tout juste étudiante au Conservatoire de Québec alors qu’il était un concertiste réputé dont j’admirais sans réserve les performances. J’ai cessé d’étudier le piano à vingt ans, à cause d’une bourse d’études qui m’amena à Vienne durant une année afin de compléter en immersion le certificat d’allemand qui faisait partie de ma Licence en Lettres modernes. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, j’ai cessé de faire de la musique dans la ville la plus renommée pour ses compositeurs. Tout au plus ai-je pu fréquenter les soirées à l’Opera grâce aux places debout derrière l’orchestre que l’on destinait aux étudiants. Je n’ai donc jamais complété mes études au Conservatoire ni repris la musique à mon retour.
Durant toutes mes années d’enseignement à l’Université de Montréal, il m’arrivait tout de même de songer que je pourrais m’y remettre. Mais je ne voyais pas comment je pourrais faire de la musique « pour le plaisir » quand je connaissais les exigences de la pratique quotidienne et assidue. Je croyais que sans cela, il ne valait pas la peine d’y penser. Ce n’est qu’au moment où j’ai cessé d’enseigner que j’ai décidé de faire le grand saut et de recommencer peu à peu. J’y ai pris goût et, après avoir suivi des cours de Cegep à Vincent d’Indy, j’ai été admise à l’Université de Montréal, ce dont je n’étais pas peu fière… Me voilà en fin de Bacc, après avoir fréquenté des étudiants très motivés et des professeurs extrêmement compétents. Je viens de passer mon dernier examen de piano avec un trac fou ! À titre d’étudiante, je fais partie de la chorale de l’Université et nous préparerons pour avril le Requiem de Fauré.
Je ne sais pas si je suis meilleure pianiste que je l’étais à vingt ans. Je crois toutefois pouvoir affirmer que je comprends mieux ce que je joue. Je ne serai jamais virtuose. Peu importe. À un professeur qui faisait passer un questionnaire sur la motivation de nos études musicales, j’ai répondu : « Pour mieux vivre ».
Après mon Bacc, je continuerai tout simplement à jouer de nouvelles partitions, peut-être à quatre mains ou avec d’autres instruments, de façon à éviter la solitude du piano. J’aurai au moins la satisfaction d’avoir tenté de renouer avec ce qui, dans ma tête et dans mon existence, était resté comme quelque chose d’inachevé. Je sais aussi que la musique fera partie du reste de ma vie.
Comme plusieurs collègues, alors que j’étais jeune, j’avais fait de la musique. Dans mon cas, j’avais étudié la guitare classique et la trompette. Par la suite, avec les exigences de la carrière universitaire, j’avais, comme bien d’autres, renoncé à pratiquer assidument l’un ou l’autre de ces deux instruments. Quelques années après la retraite, je me décidai à sortir ma trompette du placard. À l’aide d’un professeur, je repris l’étude de la trompette. Encore quelques années plus tard, en parallèle avec la trompette, je reprenais l’étude de la guitare, guitare jazz cette fois; il faut savoir que ce sont deux instruments assez différents. Avec l’étude du jazz, je découvrais le plaisir de bien analyser l’harmonie et d’écouter avec délice les accords complexes que j’arrivais à faire sur une ligne mélodique. Pour la trompette, le défi était de trouver le temps de pratiquer quotidiennement, car cet instrument implique de garder les muscles de la bouche en grande forme.
Pratiquer un instrument seul, c’est intéressant, mais jouer avec d’autres personnes apporte un autre type de satisfaction.
À Montréal on trouve de nombreuses chorales auxquelles plusieurs de nos membres participent activement. Pour la musique instrumentale, il me semble qu’il est plus difficile de trouver des ensembles qui peuvent accueillir des musiciens amateurs à la retraite.
J’ai récemment trouvé un tel ensemble et je participe maintenant à une Harmonie musicale qui comprend une cinquantaine de musiciens. Ce groupe se nomme Harmonie nouveaux horizons de Montréal. et il est formé principalement de personnes retraitées, tout en essayant d’être multigénérationnel. Cette harmonie musicale est typiquement montréalaise : elle recrute ses membres dans le milieu francophone et chez les anglophones. Nous pratiquons dans la salle de concert de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal et nous donnons aussi des concerts à la Salle Pollack de McGill. Comme dans toute harmonie, la nôtre est composée de vents et de percussions. Cette nouvelle expérience me permet de partager mon plaisir avec d’autres amateurs
Au Canada et aux USA, les quelque 200 groupes New Horizons comptent environ 10 000 membres, la plupart âgés de plus de 50 ans, mais on y trouve aussi des étudiants en musique.
Cet automne, nous sommes allés jouer à l’Université de New York à Postdam. Avec nos amis américains, nous étions plus de 80 musiciens amateurs à jouer ensemble dans un climat de grande camaraderie. Un plaisir! À Montréal, nous avons donné un concert le 12 décembre. Ce fut un succès.
Les harmonies New Horizons, créées dans les derniers 25 ans permettent aux aînés d’apprendre, ou de réapprendre comment jouer d’un instrument et d’être actifs dans des groupes musicaux, cela dans un esprit positif de saine camaraderie.
Je crois que cette initiative répond à un besoin et le travail exigé, tout en étant fort exigeant, apporte un réel plaisir.
Bien sûr, tout comme les membres de cette harmonie, je suis un amateur avec toutes les limites que cela implique, mais je n’ai pas d’autre ambition que de m’amuser à faire de la musique avec des camarades qui partagent le même plaisir et qui acceptent de vivre les mêmes difficultés.
Et vous, vous avez un témoignage à nous faire connaître?
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