Association des professeurs retraités
de l'Université de Montréal
Grains de sagesse
Décembre 2004, numéro
9
Les
collègues publient
Karin Gürttler, qui fut professeur d'allemand au département de littératures et de langues modernes, m'écrit de Lüneburg : « Et, finalement, vive la retraite! Ce projet de recherche et de publication, je ne l'aurais jamais pu réaliser pendant mes années de service ». À voir le nombre de retraités qui publient, — dont plusieurs sont d'ailleurs édités à l'étranger — j'ai le sentiment que notre collègue exprime un point de vue largement partagé...
Le professeur Gürttler vient de publier deux ouvrages où sont consignés les résultats d'une recherche poursuivie dans les années 1990 : Die Rezeption des DDR-Literatur in Frankreich (1945-1990). Le premier volume, paru en 2001, porte sur la réception critique en France des auteurs de l'ex-RDA. Le second volume, paru en 2004, porte en sous-titre : Dokumentation. Repertorium der übersetzten literarischen Werke und Texte (1945-1990) und sekundär-literatur. La RDA n'est plus depuis la chute du mur de Berlin; raison de plus pour que paraissent de tels ouvrages de référence, grâce auxquels nous n'oublierons pas dans quel contexte historique ont évolué de grands auteurs : Bertolt Brecht et Anna Seghers bien sûr, mais aussi Heiner Müller (beaucoup joué à Montréal), Christa Wolf et bien d'autres.
La mission des universitaires n'est-elle pas, pour une large part, de rendre compréhensibles des œuvres du passé, ou des valeurs qui n'ont plus guère cours dans l'actualité? C'est certainement ainsi que pense Réginald Hamel, un grand universitaire doublé d'un globe-trotter un peu casse-cou. Son exceptionnelle connaissance de l'œuvre de Dumas lui a valu le titre d'officier des palmes académiques, le gouvernement français soulignant son « engagement remarquable en faveur de la promotion des lettres françaises ». Ses recherches lui ont permis de découvrir une pièce inédite de Dumas, qui paraîtra bientôt en France : Les voleurs d'or. Mais Réginald Hamel s'intéresse aussi, depuis longtemps, aux écrivains francophones de Louisiane, notamment à un ami et disciple de Dumas, Alfred Mercier. Sous le titre L'aventure de Johnelle, (Éd. Humanitas, 2004), il vient de rééditer, avec notes explicatives et illustrations, un roman de Mercier paru en 1891 et intitulé Johnelle. Ce « roman historique partiellement écrit en créole de la Nouvelle-Orléans » pourrait certes intéresser les scientifiques : Mercier était médecin et son roman incarne dans un personnage les théories de l'aliéniste Charcot sur le délire. Enfin, Réginald Hamel a aussi publié une édition critique d'un autre roman de Mercier : Hénoch Jédésias ou les mystères de New York (Éditions Stanké).
Les scientifiques fréquentent Paris, eux aussi! Ainsi, le 11 septembre dernier, on y a lancé en grandes pompes un ouvrage de Pierre Demers : Le Québécium. La nouvelle classification des éléments. L'ouvrage a été édité par les PUM. Dans un autre domaine, signalons la parution d'un ouvrage collectif intitulé Penser Freud avec Patrick Mahoney (éditions Liber). Ce collègue retraité des études anglai-ses y signe deux textes, les autres étant tous reliés à sa pratique de psychanalyste.
Faudra-t-il désormais créer une rubrique consacrée aux retraités les plus prolifiques? Bien connu pour ses interventions sur la place publique, le théologien Jacques Grand'maison vient de publier chez Fides Du jardin secret aux appels de la vie, un ouvrage dont La Presse du 7 novembre a publié un large extrait. De son côté, le prolifique poète André Brochu vient de publier un autre recueil, intitulé Les jours à vif; pour ce livre, il vient de recevoir le Prix du Gouverneur Général. Jacques Henripin, qui publiait l'an dernier La métamorphose de la population canadienne (Éditions Varia), vient de faire paraître chez le même éditeur Pour une politique de population, un ouvrage où le démographe suggère quelques solutions aux problèmes démographiques auxquels le Québec doit faire face : décroissance et vieillissement de la population, diversification linguistique et ethnique, effritement de la famille. De son côté, c'est un peu la même problématique qu'aborde Guy Durand, qui avait lui aussi publié l'an dernier. Cette fois, son ouvrage (publié par les éditions Varia) s'intitule Le Québec et la laïcité. Avancées et dérives. La Presse du 19 septembre 2004 en a reproduit de larges extraits, dont je me permets de citer quelques phrases : « Il me semble que les problèmes qui se posent occasionnellement au Québec sont moins le signe d'un recul de la sécularisation que l'expression d'un échec à l'ouverture d'esprit ou à l'intégration culturelle. Il est désolant, par exemple, de voir l'intolérance de certains laïcistes ou de constater que plusieurs immigrants reproduisent ici, à petite échelle, ce qui les a poussés à fuir leur pays d'origine. » En quatrième de couverture, Durand précise que ce livre a été écrit « sous le signe de la colère et de l'indignation », en constatant que plusieurs voudraient faire « disparaître des lieux publics toute trace de ce que fut notre religion nationale ». En cette époque où l'alliance entre religion et politique semble susciter tant de conflits et de débats, la question est certes pertinente. Ce sont les réponses qui, souvent, ne le sont pas.