Université de Montréal

Association des professeurs retraités
de l'Université de Montréal



GRAINS DE SAGESSE

 

Décembre 2004, numéro 9

Quelques grains d'inquiétude

Le recteur Robert Lacroix quitte sa fonction dans un concert quasi unanime de louanges. De toutes parts, on reconnaît la qualité de son travail. Autant au plan de la gestion interne que du rayonnement dans les milieux universitaire, politique et économique, l'Université de Montréal a fait un immense bond en avant pendant ces dernières années; c'est en grande partie au recteur Lacroix et à son équipe qu'on le doit. Le recteur lui-même est devenu une figure de tout premier plan sur la scène montréalaise, québécoise et cana-dienne. Il s'agit là d'acquis importants qu'il nous faut à tout prix sauvegarder. Il ne saurait être question de revenir en arrière.

Ce 1er décembre 2004, il reste deux candidates et un candidat en lice. Le Comité de consultation continue son travail, ce qui ne nous empêche pas de continuer à réfléchir et de nous faire une idée. Pas question de me prononcer ici sur telle ou telle candidature. Je voudrais plutôt partager avec les membres de l'APRUM quelques réflexions sur cette « course au rectorat », sur les critères que l'on devrait selon moi privilégier et surtout sur les mécanismes prévus par la charte et les statuts. Est-il nécessaire d'ajouter que cette réflexion m'est personnelle et qu'elle n'engage que moi?

La présence de Madame Fortier en tête de liste est une première à l'Université de Montréal; elle est lourde de sens. La présence de deux femmes sur les trois candidats va dans le même sens. On peut ainsi mesurer l'immense progrès que les femmes ont réalisé dans le milieu universitaire, à l'Université de Montréal en particulier. Cela nous laisse espérer que sous peu, le déséquilibre que nous avons connu jusqu'ici sera chose du passé.

La présence de deux candidats externes parmi les « finalistes » nous paraît également très significative; ce sont les deux candidats que favorise nettement le vote de l'Assemblée universitaire. Comme si on cherchait plutôt à l'extérieur une réponse à l'énormité du défi et de la tâche à accomplir? Et pourtant, les candidats de grande valeur ne manquaient pas parmi les noms de l'interne qui ont circulé au début du processus. La plupart se sont désistés; je serais porté à ajouter « hélas ».

Seules les deux candidates en présence ont répondu à l'appel du Comité et se sont présentées devant la communauté universitaire. Il est dommage que tous les candidats (ils étaient quatre à cette époque) n'aient pas répondu à cette invitation. Alors que nous recherchons une personne qui brillera particulièrement par ses qualités de rassembleur, on se serait attendu à plus d'empressement à rencontrer la communauté universitaire. C'était une belle occasion ratée. Il faut rendre hommage aux deux candidates qui ont répondu à l'invitation et n'ont pas hésité à amorcer le dialogue.

Au-delà de ces constatations générales, je me permets d'ajouter mon grain de sel et d'inquiétude au débat. J'ai relu les textes du Conseil et des différents candidats publiés dans FORUM. J'ai entendu la plus grande partie des interventions des deux candidates qui se sont présentées à l'amphithéâtre Ernest-Cormier. Malheureusement, je ne crois pas qu'on trouve là les éléments suffisants pour se faire une idée juste. La vertu universitaire s'y taille la part du lion, comme il se doit. Les intentions sont généreuses, les engagements sont larges et généraux. Mais, selon moi tout au moins, ce n'est pas au niveau des discours et des intentions que le départage peut et doit se faire.

Je crois que c'est plutôt à partir de la feuille de route des candidats qu'il faut rechercher les éléments qui nous permettront collectivement de faire un choix judicieux. Qu'ont-ils accompli jusqu'ici en tant qu'administrateurs et gestionnaires? Que pensent d'eux et d'elles ceux qui ont travaillé avec ces candidats et qui ont été à même de les évaluer? Quelle sorte d'équipe de collaborateurs immédiats ont-ils formée? Quelles sont les possibilités pour chaque candidat de recruter à l'interne comme à l'externe des collaborateurs ou des collaboratrices de grande valeur, crédibles, ambitieux et efficaces. Comment le candidat ou la candidate travaille-t-il (ou elle) avec des intervenants qui ne partagent pas ses vues? Ont-ils, ont-elles déjà posé leur candidature à de hautes fonctions; comment les a-t-on accueilli(e)s? Quelles ont été par le passé et dans différents milieux, leurs relations avec leur corps professoral, le personnel de soutien, les étudiants, la communauté scientifique, la classe des décideurs et les alliés naturels de l'université (diplômés, gens d'affaires, classe politique, mécènes, journa-listes…)?

Notre processus de sélection diffère essentiellement de celui en vigueur sur le continent universitaire nord-américain. Il fait une large part au consensus et à la consultation. Il donne néanmoins au Conseil le dernier mot et la possibilité de faire le tri parmi les suggestions du Comité. Le Conseil peut même (cela ne s'est jamais vu jusqu'ici) sortir de la liste proposée en respectant des contraintes prévues par les statuts (25.01) et « imposer » une nouvelle candidature. Cette éventualité nous rapprocherait sérieusement du modèle « search committee ».
Quant à moi, et c'est l'un des privilèges que confère le statut de retraité, je me permets d'insister pour que l'on explore vraiment toutes les avenues possibles et que l'on ne renonce à l'avance à aucune. Je m'explique.

Je ne puis m'empêcher de me poser ici une question que je sais délicate, très délicate. J'entends autour de moi de très nombreuses hésitations devant les choix auxquels nous faisons face à ce moment-ci. Frilosité et peur du changement? Réalisme ou inquiétude injustifiée? Supposons un instant qu'aucune des personnalités en présence ne se démarque clairement au cours du processus de sélection. Supposons qu'aucune des candidatures ne rencontre vraiment les critères très élevés que nous nous sommes donnés. Devrions-nous élargir le cercle, nous mettre en quête d'une alternative et, faute par le comité de reprendre le processus, laisser par exemple toute la marge de manœuvre au Conseil, selon les termes mêmes de la charte et des statuts qui nous régissent?

En me faisant le porte-parole d'un malaise et d'une inquiétude, je veux simplement mais fortement insister sur le fait que le comité de sélection, le Conseil et l'Université n'ont pas droit à l'erreur. Les enjeux sont trop importants.



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