Association des professeurs retraités
de l'Université de Montréal
Grains
de sagesse
Été 2003, numéro 6
Chronique de l'Université
Tout organisme vivant, dans le cours de son existence, traverse des périodes où se
manifestent tour à tour - quoique souvent en concomitance - une croissance différenciée de ses composantes, une adaptation dynamique aux conditions environnantes et une consolidation de ses activités. Au cours de chacune de ces périodes, et tout en tablant sur la réserve de ses forces vives, il s'emploie à détecter et à utiliser les éléments susceptibles de lui permettre de s'épanouir dans la niche qui est la sienne.
Une comparaison de l'évolution (récente ou prospective) de l'Université de Montréal avec celle d'un organisme vivant - façon singulière, peut-être, de procéder - véhicule un nombre suffisant d'heureux rapprochements pour qu'il me semble utile de l'exploiter. Au surplus, une telle démarche effectuée avant le début de la prochaine année universitaire ne peut être qu'instructive. Qu'en est-il?
À première vue, en ce printemps 2003, le bilan de santé de l'Université dans son ensemble est impressionnant. Voyons de plus près. Après avoir traversé des périodes de financement difficiles marquées par un ralentissement certain de la croissance des effectifs étudiants et par la mise à la retraite de plusieurs centaines de professeurs, de cadres et d'employés de soutien, l'Université a réussi à inverser l'allure de ces phénomènes grâce à la mise en œuvre d'un audacieux plan de relance.
À telle enseigne, la croissance est revenue.
L'impressionnant rythme de croissance des effectifs étudiants, lequel se maintient à ce jour, a permis un assainissement de la situation financière de
l'établissement via les retombées des contrats de performance passés avec le ministre de l'Éducation. Cette période de croissance rapide n'a pas été sans connaître les ajustements - parfois pénibles - qui ne manquent pas de l'accompagner. Par exemple, il n'a pas été possible de procéder aussi rapidement que prévu au recrutement du corps professoral requis. D'ailleurs, la situation perdure avec d'autant plus d'acuité que s'amenuise le bassin des personnes qualifiées disponibles. Il y a déséquilibre certes entre les besoins de la clientèle étudiante et l'ampleur des effectifs professoraux: le malaise est aisément détectable.
La fonction recherche, en pleine progression depuis quelques années, a été singulièrement alimentée par la création de nombreuses chaires dont, notamment, les chaires de recherche du Canada. La notoriété des chercheurs de l'Université de même que les conditions particulières que l'établissement accorde à ses organismes de recherche ont fait en sorte que plus de 80 chaires ont vu le jour dont près d'une cinquantaine via le programme canadien. La vie en symbiose des éléments du corps professoral et de ceux qu'amène la mise en place des chaires s'avère plus laborieuse que prévu. Des ajustements devront être aménagés avant que ne se manifestent les signes avant-coureurs du phénomène de rejet.
Le dynamisme de chacun de ces deux facteurs de croissance et l'augmentation des effectifs qui en a résulté n'ont pas manqué de taxer lourdement la fonction responsable des «locaux et services connexes». Allégoriquement, les bras ont crû plus rapidement que les jambes et l'organisme est devenu trop développé pour les vêtements qui le couvrent! Comme il se doit, des mesures pour corriger cette situation ont été prises notamment par la mise en chantier de nouveaux édifices destinés à satisfaire les besoins identifiés et par la réaffectation d'espaces à l'intention des fonctions internes. L'ampleur des travaux en cours découle en grande partie du succès que remporte la campagne de financement «un monde de projets» (plus de 195M$ amassés à ce jour) et de la remarquable générosité de quelques mécènes. Depuis l'automne 2002, une partie du campus est devenue un important chantier de
construction où camions et bétonnières alimentent les grues dressées au beau milieu des excavations pratiquées par les «chenillées» de tout genre. Dans peu de temps, d'ici 2004 disons, les structures érigées s'habilleront et s'aménageront de façon à bien abriter les activités projetées. Et dans le brouhaha, le pavillon «temporaire» dit de l'administration aura été éliminé !
Difficultés et malaises
À première vue, on pourrait croire que la pénurie d'espaces disparaîtra d'ici peu. Et pourtant! La situation, dans l'immédiat, est à ce point préoccupante que la direction se doit d'envisager des solutions à court terme. Il s'agit d'une affaire à suivre!
Le constat d'un état de santé fort encourageant doit cependant prendre en compte les sérieux malaises qui ébranlent un des secteurs du personnel de soutien. La grève, déclenchée le 28 février dernier par le syndicat SCFP, section 1244 qui représente le «personnel de bureau et y associé», a perturbé significativement le fonctionnement de l'Université; à titre d'exemples, la cérémonie traditionnelle de la Collation solennelle des grades du mois de mai a dû être reportée à l'automne et l'inscription des
étudiants du premier cycle a été sérieusement ralentie. Le retour au travail, commencé le 20 mai, devrait permettre à l'établissement de retrouver le rythme normal de ses activités.
Les incertitudes relatives aux modalités selon lesquelles s'établira la subvention d'équilibre que l'État verse à l'Université sont certes préoccupantes. Par exemple, il reste à voir comment, et selon quel échéancier, s'enclenchera la deuxième phase du plan de réinvestissement dans les universités. La révision de la formule de financement de même que celle des facteurs associées aux frais indirects de la recherche constituent des éléments additionnels d'incertitude que la planification des activités du prochain exercice doit prendre en compte.
Et les besoins de certains secteurs clés-notamment celui des infrastructures-continuent d'être criants. À telle enseigne, le sous-financement de l'entretien des biens physiques de l'Université (besoins qui se chiffrent à plus de 39$M) est à ce point tragique que l'Université a dû se résoudre à financer
elle-même - via les emprunts appropriés - les travaux les plus urgents et cela à hauteur de 29$M.
En bref
L'organisme est en bonne santé. Sa croissance dans les secteurs vitaux semble assurée et des moyens sont pris pour que s'harmonisent les facteurs en cause. Mais une question demeure: cet organisme recevra-t-il les ressources requises pour qu'il puisse continuer de jouer le rôle que la société lui a confié? Reste à voir. Ici plus que jamais l'espoir est de mise. N'en voit-on pas un signe encourageant dans la préparation des fêtes qui marqueront, dès l'automne prochain, le 125e anniversaire de la création de l'Université de Montréal connue jusqu'en 1920 comme succursale de l'Université Laval!