Association des professeurs retraités
de l'Université de Montréal
Grains de sagesse
Juin 2008, numéro
16
UdeM : statut particulier
Faire état, deux fois l'an, des conditions dans lesquelles l'UdeM poursuit sa mission est devenu pour moi une pratique à laquelle je ne saurais me soustraire; bien au contraire. Le tableau global se présente ainsi. Sur une toile de fond où prédominent les difficultés engendrées par le sous-financement avéré de l'enseignement universitaire, le rayonnement et la réputation internationale de l'établissement - qui découlent de la haute qualité et de la pertinence des activités d'enseignement et de recherche de son corps professoral - se détachent de plus en plus difficilement. Qu'en est-il au juste? Pour s'en assurer, rien de tel qu'un tour d'horizon des principaux paramètres en cause.
Au plan du rayonnement, la position enviable que l'UdeM occupe dans la collectivité des établissements d'enseignement supérieur a été récemment reconnue. On n'en voudrait comme indice significatif que le classement au sein du peloton de tête des 200 grandes (top) universités de la planète que lui reconnaît le Times Higher Education dans la plus récente (14 mai 2008) version de son Supplément pour l'année 2007. L'Université de Montréal s'y trouve classée au 93e rang, performance remarquable eu égard au rang (181e) occupé dans le relevé précédent (2006). La bonification observée découle directement des cotes élevées obtenues (plus de 80 sur un total de 100) pour trois des six critères retenus : l'appréciation par les pairs, le nombre de citations dans les plus importants médias et le calibre international du personnel enseignant. Quelle que soit la « finesse » du pouvoir de discrimination de la batterie de critères utilisés (et ils sont d'importance!), la présence de l'UdeM dans le deuxième quartile de la distribution observée demeure éloquente. Au surplus, et de concert avec McGill (12e rang), l'UdeM se distingue nettement des autres universités québécoises.
Au plan de la recherche, les travaux effectués par les membres du corps professoral continuent d'être reconnus et financés par les principaux organismes subventionnaires : sciences naturelles (CRSNG), sciences humaines (CRSH), sciences médicales (CRM), sciences de la santé (IRSC) et recherches scientifiques (FRSQ). Il convient de signaler l'importante contribution apportée par la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI) notamment pour le financement des infrastructures de la recherche. Également au plan de la recherche il faut noter 1) que l'UdeM continue de profiter de la présence de chaires de recherche de prestige - récemment renouvelées d'ailleurs - pour étoffer les activités de recherche de maintes unités et, 2) que ses étudiants aux grades supérieurs ont accès à un programme de bourses largement enrichi.
La gravité de la situation en matière d'espaces physiques a suscité l'élaboration, par l'équipe de planification, du PLAN DIRECTEUR DES ESPACES lequel fait présentement l'objet de la réflexion des instances impliquées (Assemblée Universitaire et Conseil de l'Université). Ce plan, dont la réalisation s'étendra sur quelques années, prévoit comme première étape la création d'un complexe des sciences à Outremont, regroupant les départements de physique, de chimie, de sciences biologiques, de géographie, de mathématiques et statistique et d'informatique et de recherche opérationnelle. L'échéancier de la réalisation de ce complexe prévoit le début des travaux (période 2009-2010) et celui de l'installation (2012-2013). L'existence d'un tel plan ne manque pas d'intéresser hautement les départements concernés.
La situation financière de l'UdeM, pour précaire qu'elle a souvent été, est devenue fort inquiétante. Demeure présent le sous-financement de près de 400M$ (M= 1 000 000) dont il a été convenu en Commission parlementaire. Les mesures prises depuis, fors le léger déblocage des frais de scolarité (une maigre augmentation de 50$ par trimestre pour une période de 5 ans) n'ont guère amélioré le sort des universités québécoises. Pour honorer les engagements contractés lors des négociations avec les diverses composantes de son personnel - dont notamment avec le SGPUM - l'UdeM a été contrainte d'encourir un déficit récurrent de plusieurs millions de $. Ce déficit est d'autant plus contraignant que le MELS ne reconnaît qu'à la hauteur de 2% l'augmentation annuelle du coût du système alors que, à l'UdeM, ce coût se situe à près de 5%. Devant cet état de fait, où l'UdeM est loin d'être singulière, le MELS a décidé d'appliquer vigoureusement sa politique d'un retour à l'équilibre budgétaire dans les universités. À telle enseigne le MELS a retenu le versement d'une subvention conditionnelle qui a eu pour effet d'engendrer pour l'UdeM un déboursé de 1M$ pour payer les intérêts encourus par les emprunts bancaires. Au surplus, réagissant spontanément à l'augmentation annoncée des frais afférents, le MELS a jugé impératif d'imposer un moratoire sur de telles augmentations préférant s'en remettre à des valeurs plus représentatives de l'ensemble des universités. Le principe du commun dénominateur, qui semble avoir été retenu, heurte d'avantage les établissements où la fonction recherche est prédominante dont, au premier chef, l'UdeM. Voir à ce sujet le texte de Jacques Boucher en page 5.
L'utilisation par le MELS d'une nouvelle grille pour le financement des établissements universitaires (dont il faut reconnaître qu'elle tient davantage compte du coût des activités au niveau des grades supérieurs) comporte certains inconvénients. En effet, la nouvelle formule ne tient compte - pour certaines enveloppes - que du nombre d'inscriptions dans les programmes. Ce qui pourrait avoir comme effet de conduire, par voie des compressions imposées, à l'élimination de certaines unités par ailleurs de calibre universitaire reconnu.
Au plan budgétaire la situation devient de plus en plus complexe. Tablant sur le niveau anticipé de la subvention gouvernementale du Québec, sur le versement de la part qui lui revient des réinvestissements en provenance du fédéral et sur un ajustement des frais afférents, le budget pour l'exercice 2008-2009 prévoit un déficit de plus de 7,8M$. Plusieurs contraintes demeurent en vigueur comme l'imposition d'une compression horizontale de 1,4% à toutes les unités. La politique budgétaire, voulant qu'un sain équilibre soit maintenu entre le coût des opérations et les ressources allouées, embarrasse sérieusement quelques unités notamment celles où l'on observe des diminutions de clientèle. C'est également le cas où, via l'élargissement de la grille de financement, le jeu de la décote affecte tout particulièrement deux départements (Math. stat. et IRO) dont le haut niveau des activités de recherche continue d'être reconnu par les organismes subventionnaires.
La non compressibilité de certaines dépenses (salaires conventionnés, frais fixes, etc.) risque fort, via la réduction conséquente de leurs budgets, de mettre en péril l'existence même des services dont la pertinence ne devrait pas être mise en cause (services à l'enseignement, services culturels, …). À cette enseigne, il faut signaler la réduction des montants alloués à la fonction auxilariat. Cette disposition a eu au moins trois effets pervers 1) la réduction significative de l'encadrement des étudiants pour les travaux pratiques et les exercices reliés à l'enseignement théorique, 2) le report sur le corps professoral d'une partie de cette charge et 3) la réduction non négligeable de l'aide financière disponible pour les étudiants inscrits aux grades supérieurs.
En bref, le contexte financier dans lequel évolue l'UdeM est d'autant plus inacceptable qu'il y va du maintien de la plus importante université francophone du Québec au niveau de l'excellence que lui reconnaît la communauté internationale. En réalité, l'influence qu'exerce l'UdeM sur le monde universitaire québécois déborde largement la région métropolitaine. Il s'agit en quelque sorte d'un patrimoine qu'il convient de préserver. Étant donné qu'il est peu probable que les corrections souhaitées puissent être spontanément apportées dans le court terme, et en dépit des efforts d'assainissement des finances de l'établissement entrepris par la Direction, il devient urgent de convaincre le grand public de l'importance du rôle que joue l'Université dans la vie collective. J'y vois là une contribution majeure que pourraient apporter les membres retraités du corps professoral tant par leur notoriété personnelle que par l'influence qu'ils sont en mesure d'exercer sur l'opinion publique. L'APRUM est disposée à jouer un rôle de rassembleur en cette matière. Vous, qui avez fait l'Université d'hier et d'aujourd'hui, soyez de ceux et celles qui lui permettront d'être, demain, à la hauteur de son rôle.