Université de Montréal

Association des professeurs retraités
de l'Université de Montréal



Grains de sagesse

Été 2007, numéro 14

Paralysie appréhendé???

La lecture du journal du matin avec un bon café constitue l'un des grands plaisirs de la vie du professeur retraité. Il pleut, il grêle, les ponts sont bloqués, le métro est en panne; voyons voir quelles sont les nouvelles du jour. Est-ce qu'on parle de mon université? J'avoue toutefois que ces dernières années, mon plaisir est plutôt mitigé. Mon université fait parler d'elle, beaucoup, mais en général, les nouvelles ne sont pas très bonnes, c'est le moins qu'on puisse dire : les déboires du CHUM, la guerre de succession, la mise en vente de l'ancien couvent de Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie, les hésitations et les oppositions en ce qui touche le site Outremont… En page 5 (ou l'équivalent), ce sont souvent nos collègues de l'Université de Montréal qui ne ratent pas une occasion de casser du sucre sur le dos de la direction et de manifester publiquement leur désaccord.

La fierté a bien meilleur goût !

Depuis un mois, la navrante épopée de l'UQAM a pris la relève et relègue l'Université de Montréal au second rang parmi les préoccupations universitaires des journalistes. Ce n'est probablement que partie remise. Certains ont déjà commencé à montrer du doigt l'Université de Montréal qui elle aussi, a un grand projet de construction sur le site Outremont. Certains affirment qu'il serait grand temps de mettre en place des mécanismes supplémentaires de contrôle ou même de stopper les grands projets de développement des universités, avant qu'une autre catastrophe ne nous tombe dessus.

Le projet du site Outremont n'est pas sans rappeler les premiers pas hésitants et semés d'embûches d'un autre projet qui va devenir le campus actuel de la Montagne, sur le terrain désaffecté de la carrière Bellingham. Là aussi, dans les années 1920, les critiques se faisaient nombreuses : le site était peu accessible, trop éloigné des hôpitaux et du Palais de justice, le projet dépassait de loin les besoins et les rêves les plus ambitieux, les plans d'Ernest Cormier étaient trop grandioses, les coûts étaient incertains et exorbitants par rapport à la capacité de payer de la communauté francophone et des gouvernements provin-ciaux ou municipaux (Hélène-Andrée Bizier, L'Université de Montréal, la quête du savoir, Montréal 1993, pp.112 et s.).

Nous savons maintenant que le développement du campus du Mont-Royal était un projet visionnaire. Cela ne fait plus l'ombre d'un doute.

Certes, en ce qui touche la dimension financière du projet d'Ernest Cormier, les inquiétudes n'étaient pas futiles. À cause notamment des rentrées de fonds décevantes de la campagne de souscription de 1920 (un million de dollars de moins que les 4 millions qui avaient été promis par les donateurs), à cause surtout des turbulences de la crise économique des années 1930, le projet a failli avorter. Les travaux ont été suspendus pendant dix ans puis ont repris leur cours à la fin des années 1930.

Le campus du Mont-Royal n'a cessé de se développer depuis. Il a commencé par occuper l'espace prévu pour l'hôpital universitaire, dans la partie ouest du pavillon principal. Puis, de concert avec Poly et HEC, c'est le reste du terrain disponible sur le campus qui a été investi. Il a même fallu exproprier ou faire l'acquisition d'un très grand nombre de bâtiments disponibles dans les environs.

Qui oserait affirmer que l'UdeM a atteint sa taille maximale et qu'il n'y a plus lieu de penser au développement? Il ne saurait en être question.

Aujourd'hui que le campus a atteint sa li-mite maximale, il est essentiel de passer à une autre étape, aussi étourdissante et nécessaire que l'aura été le passage de la rue St-Denis au campus du Mont-Royal.

Permettez-moi d'ajouter mon grain de sel, (sinon de sagesse) et de tenter de faire le point.

1. Les besoins en espaces de l'UdeM sont importants (de 39 à 69 mille mètres carrés selon les scénarios) et reconnus même par le Ministère depuis des années, ce qui n'est pas peu dire.

2. Le campus actuel a atteint sa capacité maximale et ne saurait répondre adéquatement aux besoins.

3. Le site Outremont n'est certainement pas parfait. Mais il nous appartient.

4. Il répond aux besoins de développement des 40 prochaines années (175 000 mètres carrés).

5. Il est le seul terrain adéquat disponible à proximité du campus actuel.

6. Son développement pose des problèmes financiers considérables, auxquels on n'a pas encore apporté de réponse satisfaisante et sur lesquels les documents émanant de la direction de l'UdeM sont silencieux.

7. L'apport des différents gouvernements est crucial dans la solution du problème.

8. Le résultat de la prochaine Grande campagne sera déterminant pour le succès de l'entreprise.

9. Nos querelles internes étalées sur la place publique ont un effet dévastateur à la fois sur l'engagement des gouvernements et sur les résultats de la prochaine Grande campagne.

10. La situation chaotique du développement immobilier de l'UQAM risque de paralyser le processus et de nous faire perdre des années.

Ce constat étant fait, j'ai vraiment le goût de m'adresser aux grands interlocuteurs de cette aventure, de parler comme professeur retraité et comme observateur passionné de ce qui se passe dans mon université.

J'ai le goût de dire ce qui suit…

… au recteur Vinet et à son équipe : « Il est essentiel de poursuivre le projet. Mais il est crucial de répondre aux inquiétudes financières justifiées suscitées par ce projet et de proposer un plan de match complet. Il est temps de poser des gestes concrets et réa-listes en vue de la réalisation du projet du site Outremont. Il est temps de poser des gestes pour neutraliser le discours négatif et dévalorisant qui est en train de s'impo-ser dans les médias en ce qui concerne l'Université de Montréal et ses projets de développement. Il est temps de prendre vos distances à l'égard du fiasco de l'UQAM. Il est temps d'être systématiquement plus présent auprès des décideurs d'Ottawa, de Québec et de Montréal. Il est temps de poser les premiers gestes non équivoques pour lancer la Grande campagne, condition sine qua non de la réussite du projet Outremont ».

… aux professeurs, aux chercheurs, aux membres du personnel de soutien, aux administrateurs des facultés, départements et services : « Depuis des années, vous connaissez les difficultés énormes reliées à la pénurie de locaux à l'UdeM. Vous en connaissez les conséquences sur le recrutement des professeurs et des étu-diants, sur les projets de recherche, sur vos conditions de travail, sur la qualité de la vie sur le campus. Dites-le. »

… à ceux qui s'opposent au projet et notamment aux responsables du SGPUM: « Il est temps que cesse cette politique suicidaire. L'opposition systématique et publique que vous affichez à l'égard de la direction et de tous ses projets affaiblit démesurément l'Université de Montréal. Le discrédit que vous cultivez à l'égard de la direction affaiblit aussi son corps professoral et le milieu de travail. Ne confondez pas, je vous en prie, l'enjeu de développement de cette université ou du site Outremont avec la question politique des mécanismes de nomination du recteur ».

… aux gouvernements, aux médias : « Ne confondez pas les enjeux. L'Université de Montréal a besoin de votre appui. Ne nous laissez pas tomber. Nous poursuivons tous les mêmes objectifs ».

… aux étudiants, aux diplômés, aux amis de l'Université de Montréal qui l'ont appuyée politiquement et financièrement depuis des décennies : « Plus que jamais, l'Université de Montréal a besoin de vous. Plus que jamais, vous pouvez faire la différence. Nous avons bâti ensemble une grande institution dont nous avons raison d'être très fiers. Ne laissez pas tomber votre université ».

Jacques Boucher

 



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