Association des professeurs retraités
de l'Université de Montréal
GRAINS DE SAGESSE
Été 2005, numéro 10
Incident 2004-2005. Impasse
Une grande institution se démarque par sa capacité de tourner à son avantage les accidents de parcours auxquels elle doit inévitablement faire face un jour ou l'autre. Elle se caractérise par son aptitude à concentrer ses efforts, son souci d'éviter les culs-de-sac et son habileté à ne pas gaspiller ses énergies sur des questions qui ne peuvent que l'affaiblir. Une grande institution sort grandie de ses périodes difficiles. Elle peut aussi s'enferrer. C'est à nous de choisir.
L'année qui commence nous fournit deux belles occasions de mesurer notre capacité de tourner la page et d'éviter certains débats qui ne peuvent que se retourner contre l'Université de Montréal. Je pense à la suite de la saga du CHUM ainsi qu'au débat appréhendé sur le processus de nomination du recteur. Tous les acteurs en présence devraient apprendre à asseoir leurs relations sur un plus grand respect et sur de meilleures communications.
LE CHUM
En ce qui touche le nouvel emplacement du CHUM, la question n'est plus de savoir qui de l'Université ou du gouvernement proposait le meilleur emplacement. Nous sommes en juin 2005, et il ne fait pas de doute que ce serait folie de s'entêter, de nous retirer dans nos certitudes, et surtout de ne pas voir ce que notre institution peut tirer de la situation actuelle. Malgré un échec en ce qui touche le choix du site, il me semble que, dans ce débat, notre université s'est imposée comme le leader au Québec dans le domaine de la formation, de la recherche et des services de santé auprès de la population québécoise. Le recteur Lacroix a réussi à faire comprendre aux parties en cause la pertinence et l'urgence de bâtir à Montréal une technopole de la santé autour de la richesse et de la diversité de nos ressources intellectuelles et matérielles, autour du CHUM. Ce serait une grave erreur, selon moi, de ne pas continuer sur notre lancée, de nous retirer dans nos terres, et de laisser la place libre en ce qui touche cet énorme investissement collectif au centre-ville. L'Université de Montréal devrait prendre le leadership des autres universités de la région montréalaise (qui sont à deux pas du nouveau CHUM…), ainsi que des entreprises spécialisées en recherche et en technologies de la santé. Nous voilà au centre-ville, soyons-y!
UNE SUCCESSION CONTROVERSÉE
À la faveur des péripéties qui ont marqué la nomination du recteur Vinet, certains voudraient procéder à des modifications qui transformeraient le mécanisme de nomination et bouleverseraient l'équilibre des forces en présence dans notre université. Selon moi, la cause de nos dernières difficultés ne réside pas dans le processus lui-même et nous avons mieux à faire que de nous engager collectivement dans une impasse.
Nos « pères fondateurs » ont voulu camper notre université à la croisée de deux tendances : celle du « search committee » en vigueur presque partout en Amérique du Nord et celle de l'élection par un corps restreint de « grands électeurs » (que l'on retrouve notamment dans quelques autres universités québécoises). Notre processus, quant à lui, laisse une grande place à la consultation et aux opinions de toutes les composantes de notre communauté. Les membres du corps professoral jouissent d'une large représentation à l'Assemblée universitaire, au Conseil et au comité de consultation, mais ils n'y ont pas la majorité, pas plus d'ailleurs qu'aucun autre groupe ou sous-groupe qui forme l'Université de Montréal.
Depuis bientôt quarante ans, les recommandations du comité de consultation de l'Assemblée universitaire ont joué un rôle déterminant dans le choix du Conseil, lequel garde cependant le dernier mot. Par le passé, à quelques reprises, le Conseil a utilisé la discrétion qui lui est accordée par les statuts pour modifier l'ordre proposé par le comité. Il faut reconnaître cependant que (sauf lors de la nomination de Robert Lacroix qui faisait l'unanimité), le comité proposait une alternative au Conseil. Or comme on le sait, cette fois-ci, le comité de l'Assemblée universitaire s'est rangé unanimement derrière la candidature d'une seule personne. On sait que le Conseil, tout aussi unanimement, a choisi un candidat différent.
À la faveur de ces péripéties, certains seront sans doute tentés de blâmer le processus et de procéder à des modifications substantielles. Mais avant de se lancer collectivement dans cette aventure, il faudrait se demander si l'une ou l'autre des hypothèses sur la table a quelque chance de rallier suffisamment de voix pour aboutir à autre chose qu'un immense gaspillage de temps et d'énergie. Entre la tendance « search committee » (qui a très peu de chances d'être adoptée dans le contexte) et la tendance « électorale », je crois que l'Université de Montréal devrait garder le cap et conserver le processus actuel, tout imparfait soit-il. En effet, chacune des parties en présence pourrait proposer d'excellentes modifications, par contre totalement inacceptables pour les autres parties. C'est ce que j'appelle un cul-de-sac.
À la réflexion, plutôt que de mettre en cause les mécanismes de la nomination du recteur, je crois qu'il faudrait chercher les sources du problème, (donc les avenues de solutions), dans une certaine gaucherie (avouons-le) et un manque de communications (je veux dire de respect, de confiance et de connivence), de la part des différents acteurs en présence. Je crois que le comité de consultation et le Conseil auraient dû prévoir que le fait de se rallier unanimement de part et d'autre autour de deux candidatures différentes, ne pouvait que faire perdre la face à l'AU, à ses membres, aux groupes que l'on y retrouve, au comité de consultation, au Conseil et à chacun des candidats, gagnant ou perdant. On aurait dû faire mieux.
Pour ce qui est du nouveau recteur, il doit maintenant redoubler d'efforts pour rétablir la confiance et le dialogue, mettre au point un nouveau style de gestion basé sur le respect mutuel des parties et présenter au plus tôt un projet d'université emballant. Le nouveau CHUM à mettre en place et le dossier de la technopole de la santé sont deux excellentes occasions de procéder à un exercice collectif stimulant et qui nous fera progresser à grands pas.