Université de Montréal

Association des professeurs retraités
de l'Université de Montréal



Bulletin de l'APRUM

Automne 2000, numéro 1

Syrie, Terre de civilisation

 

Tel est le titre d'une grande exposition actuellement présentée au Musée de la civilisation de la Ville de Québec, jusqu'au 7 janvier 2001. L'événement prit son envol en Suisse, à Bâle. Il  se poursuit au Canada, à Québec et à Edmonton, pour prendre fin aux Etats-Unis, à San Jose, Denver et New York. Jamais un si grand nombre d'objets, tous de très haute qualité, n'est sorti de Syrie! Nous sommes bien conscients que c'est là trop souvent une déclaration retentissante à haute saveur publicitaire. Cette fois, force nous est de reconnaître que la réalité est bien au rendez-vous. Par le passé, la Syrie n'a pas cherché à faire connaître ses trésors, hormis les efforts personnels de quelques commissions de fouilles archéologiques dirigées par des étrangers. Le Président Hafez al-Assad a voulu corriger, à la fin de sa vie, cette négligence, sans doute avec le désir assez manifeste d'attirer davantage de touristes, une source non négligeable de gains économiques. Le professeur Michel Fortin, de l'Université Laval, a joué un rôle de premier plan dans l'élaboration de cette exposition, ce qui justifie son arrêt à Québec. Il a même été sollicité pour rédiger et publier le catalogue, dont la qualité ne saurait être mise en question. Voilà donc les grandes lignes de cette magnifique réalisation.

Je me limiterai ici à souligner quelques traits fondamentaux des civilisations ainsi représentées qui justifient qu'on se rende visiter cette exposition.

La Syrie est une portion importante du fameux Croissant-Fertile, qui prend son essor sur le Golfe persique, monte dans les vallées du Tigre et de l'Euphrate, tourne vers l'ouest au Nord de la Syrie, pour descendre ensuite le long de la Méditerranée, et se poursuivre dans la quasi totalité de la vallée du Nil. La Syrie représente le secteur nord de la vallée de l'Euphrate, et la quasi totalité de la côte méditerranéenne, connue, dans l'antiquité, sous le nom de Canaan. On sait que c'est en Canaan qu'est né et s'est développé le peuple d'Israël, dont nous sommes les héritiers, culturellement et religieusement, car, à cette époque, culture et religion se suivent, comme l'ombre suit son corps. Ajoutons aussitôt que les origines grecques d'une grande partie de notre culture occidentale s'expliquent aussi par une influence non négligeable de la civilisation syrienne, puisque les grecs et les phéniciens, à partir du 15ième siècle avant J.-C., dominaient les grandes routes commerciales de la Méditerranée. L'exposition fait très bien ressortir ce qui caractérise les valeurs propres de la culture syrienne, ou cananéenne, et leur influence dans le monde grec, d'abord, puis romain, ensuite. Le cadre général ne manque pas d'intérêt.

Voici maintenant quelques points particuliers qui commandent toute notre attention et admiration. Je mentionne aussitôt la culture sumérienne, qui domine l'histoire du sud de la Mésopotamie, au 3ième millénaire avant J.-C. Un des sites majeurs de cette culture est la ville de Mari, sur l'Euphrate, tout à fait à l'est de la Syrie. C'est là la plus grande fouille française du Proche-Orient, qui prit son essor en 1929, et se poursuit encore maintenant! Des salles entières du musée du Louvre sont remplies des trésors historiques et culturels de cette culture. Faute de ne pouvoir visiter le Louvre, du moins pour l'heure, venez voir à Québec plusieurs de ces grands monuments de l'histoire sumérienne, vous y verrez à Québec l'art très particulier de ces Sumériens dans leurs sculptures, leurs bijoux, sans oublier leurs tablettes d'argile inscrites. En effet, ce sont eux qui inventèrent l'écriture, à la fin du 4ième millénaire, dans le but très pratique de contrôler le paiement des taxes! Ce sont aussi eux qui produisirent les grands mythes de création, traduits plus tard par les Sémites, leurs successeurs, pour aboutir, en partie, dans notre Ancien Testament hébreu!

Les Sémites, dès le début du 2ième millénaire, créent des royaumes dans toute la Mésopotamie et en Syrie. Vous verrez une très belle statue d'un roi de Mari, la « mascotte » de l'exposition, qui n'est pas sans évoquer le grand roi de Babylone, Hammurabi. En 1975, des archéologues italiens découvrent une des plus grandes villes sémites de la Syrie du nord, Ebla, dont les archives comprennent des milliers de tablettes et dont l'importance n'en finit plus de s'imposer. Vous verrez de très beaux exemples de ces tablettes, couvrant un large éventail de leur utilité : correspondance, dictionnaires, partitions musicales, exercices scolaires, etc.

Du 12ième au 9ième siècle avant J.-C., le nord de la Syrie est occupé par des Araméens, de proches cousins des Hébreux (Israël) et des Hittites, descendus de leurs montagnes, en Asie mineure (Turquie). Le grand musée de Berlin, le Pergamon, regorge des oeuvres d'art de ces peuples, puisque les sites furent fouillés par des allemands, entre les deux guerres mondiales. Rendez-vous à Québec, et vous pourrez voir, de visu, de très beaux spécimens de cet art bien caractérisé.

Les Phéniciens (Liban actuel) ont été des maîtres incontestés de la taille et de la sculpture de l'ivoire, à partir du 9ième siècle avant J.-C : cette fois il faut aller à Bagdad et à Londres pour admirer une grande partie de leurs chefs-d'œuvre. Venez à Québec pour l'appréciation de quelques beaux exemples de cet art, dont certains sujets illustrés ont été empruntés par les Grecs, ont envahi l'art pictural occidental, déformés souvent, et sont toujours présents dans nos… églises!

En terminant, il est impossible de ne pas attirer l'attention sur quelques sculptures, superbes, de la ville de Palmyre. L'apogée de son histoire se situe au 3ième siècle de notre ère. Son art, à cette époque, est inoubliable, dédié en très grande partie à perpétuer le souvenir des défunts. On y présente d'extraordinaires bas-reliefs, soucieux de représenter le « portrait » le plus fidèle possible de ces disparus.

L'exposition inclut aussi de très beaux bijoux byzantins (7ième - 10ième siècles). Des manuscrits arabes du Moyen-Age sur des problèmes médicaux et astronomiques, de même que des instruments créés par ces Arabes pour ces mêmes fins scientifiques, figurent aussi comme illustration de l'héritage culturel syrien.

Pour plus d'information, on pourra consulter le site web suivant

http://www.mcq.org/syrie/

Guy Couturier

 

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