LES COLLÈGUES PUBLIENT

Le banc du temps qui passe

Le banc du temps qui passe, Paris, Les Éditions du Seuil, octobre 2017, 352 pages.

J.-C. Gémar
Hubert Reeves

Assis sur son banc, le banc du temps qui passe, notre ami Hubert Reeves réfléchit à la vie : la vie de l’Univers, sa vie, la nôtre et la vie tout court.
Ses réflexions nous permettent de faire le point sur nos pensées les plus profondes : à quoi nous croyons et ce qui motive nos vies, nos espérances.

Au cours de ses réflexions, il nous dit avoir la conviction que la réalité qui nous entoure aurait un sens : il admire le pape François et on sent qu’il regrette un peu d’être devenu non-croyant.
Sa formation d’astrophysicien est toujours présente dans ses écrits, mais ses préoccupations pour la biodiversité et l’avenir de notre planète prennent maintenant la place centrale de ses réflexions.

On le voit au collège, au chevet de sa mère mourante, aux études à l’Université de Montréal, puis à McGill et ensuite à Cornell où il fréquenta des grands de la physique. Son parcours de vie l’amène à parler de la mort, de sa mort qu’il voit venir; il dit : « Aujourd’hui, l’échéance se rapproche, mais quand? »

Son ouverture d’esprit permet à tout lecteur de suivre son cheminement tout en étant complètement à l’aise. Il aborde le thème de la foi — il parle de la croyance et de la religion — de façon très personnelle et surtout en ne condamnant personne qui aurait des idées différentes des siennes.
Comme plusieurs d’entre nous, il se pose la question de l’origine de l’Univers et des structures qui l’habitent, dont la personne humaine.

Hubert Reeves semble vivre une certaine ambivalence entre son expérience de vie dans la famille de son enfance vécue dans la tradition catholique d’une part et sa formation de scientifique empreinte de rationalité qui l’accompagne d’autre part. Cela nous le rend fort sympathique. Pour lui, Dieu a changé de statut : « On le rencontre désormais au niveau des interrogations et non plus à celui des certitudes. » Bien des chrétiens se sentiront à l’aise avec cette assertion. Plus loin, il avoue comment Jésus a joué un rôle important pour lui et comment il a influencé son enfance. Il a aimé son indépendance d’esprit et sa liberté de pensée, ce qui explique peut-être sa grande admiration pour lui.

Sans surprise, il écrit un court chapitre sur le thème de « Croire sans voir ». Il trouve contradictoire deux affirmations de Jésus. La première au moment où Thomas voit Jésus après la résurrection : « Heureux celui qui croit sans voir ». La seconde, quand Jésus avertit de se méfier des faux prophètes. Hubert Reeves nous dit alors qu’en science, on n’accepte pas d’informations nouvelles sans preuves à l’appui. Oui, mais, il faut bien reconnaître que les scientifiques acceptent des résultats sans vérifier. Par exemple, en mathématiques, quand A. J. Wiles a présenté la démonstration du grand théorème de Fermat il y a 25 ans, bien peu de mathématiciens avaient l’équipement intellectuel pour vérifier et même comprendre sa démonstration.
Il a bien fallu croire sans « voir » et se fier aux quelques collègues qui ont témoigné de la solidité de cette preuve. Il en est de même dans les sciences expérimentales.

La grande partie de ce livre d’Hubert Reeves porte sur les questions écologiques et sur l’avenir de l’humanité. Plusieurs d’entre nous partagent ses vues et craignent, comme lui, pour nos petits-enfants. Pour améliorer la situation, il nous invite à faire notre part pour sauver la planète, par exemple en mangeant moins de viande. Pour suivre lui-même ses sages conseils, j’aurais pensé qu’il aurait choisi, dans la conception de son livre, d’y faire moins de pages blanches, moins de citations souvent inutiles, et cela afin de protéger nos forêts.

Jean-Robert Derome

PS Cette recension a d'abord paru dans le numéro 23, en page 34, de la revue Rencontre, du CCCM

Design. JLV