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Thèse
La religion catholique a été inventée aux IIIe et IVe siècles par ceux qu'on appelle les Pères de l'Église, en reprenant ce qui existait depuis des siècles chez tous les peuples sous formes de mythes et en l'appliquant à un homme historique, Jésus le nazaréen.
Développement
1. Tous les récits, miracles, paraboles qu'on trouve dans les Évangiles existent depuis des millénaires dans les cultures anciennes, surtout l'Égypte. Ils sont intégrés, sous forme de mythes, à une religion intérieure, cosmique. Chaque être humain est une parcelle de Dieu, chacun a un Christos intérieur à développer, y compris en se réincarnant, suivant le rythme de la nature qui se renouvelle sans cesse. Il existait, à l'origine, une seule religion, cosmique qui, peu à peu, s'est détériorée au cours des âges, mais dont on trouve les éléments fondamentaux dans les écrits de l'Égypte ancienne (p. 49).
2. Les Pères de l'Église aux IIIe et IVe siècles ont appliqué cela à l'homme Jésus. Ils ont fait d'une religion intérieure et universelle une religion historique, insensée, pleine de fables inacceptables. Pour ce faire, ils ont interprété de manière erronée et délibérément mensongère les textes de l'Évangile, et inventé les faits et doctrines dont ils avaient besoin pour convaincre et asservir les masses.
3. Dans les faits, Jésus n'a jamais existé. Les textes des auteurs profanes qui en parlent sont des fabrications ajoutées. Les Apôtres représentent les douze signes du zodiaque. Les textes de l'Ancien Testament, eux-mêmes n'ont aucun caractère historique: «Ils sont strictement allégoriques et leur véritable signification se cache sous la surface» (p. 166). Les références à l'esclavage en Égypte ou à l'exil, par exemple, doivent être comprises en réalité comme «la captivité» de l'âme humaine dans la matière (p. 166). Saint Paul, par contre, est un personnage historique, mais il ne connaît pas l'existence historique de Jésus: le Christ dont il parle, «c'est le christ mystique connu à travers tous les âges, le christ dit païen» (p. 227).
4. L'avenir du christianisme est dans le retour à la religion intérieure universelle, cosmique, païenne. Il n'y a qu'une chose d'essentiel, la présence de l'essence divine dans chaque être humain qui demande à se développer. «Jésus était et demeure le symbole dramatique suprême de la divinité qui réside en chacun de nous (p. 235). «Nous sommes devenus étrangers au royaume spirituel d'où nous sommes venus originellement et où nous retournerons un jour» (p. 250).
Analyse
Le livre se présente sous forme de témoignage, celui d'un ancien pasteur anglican qui a enfin découvert la vérité. Il essaie manifestement de convaincre et convertir. Il affirme des choses d'une manière catégorique qui frôle l'indécence («il est évident que»... «preuves incontestables»... «sans l'ombre d'un doute»). Il contient des répétitions lassantes (par exemple, il affirme trois fois que les chrétiens ont brûlé la bibliothèque d'Alexandrie).
Pour l'Égypte, Harpur se fie à trois auteurs du XIXe et du début du XXe siècle qu'il cite à pleines pages. Les noms de ces auteurs n'apparaissent pas dans le recueil officiel des égyptologues (M.L Bierbrier's Who Was Who , 1995). L'auteur ne donne presque jamais de références précises des livres égyptiens, et jamais dans des éditions savantes, en sorte qu'il est très difficile de vérifier ses dires. De toute manière, sa compréhension des religions égyptiennes contredit ce que disent les égyptologues, par exemple, sur la date des manuscrits, la nature du Dieu Horus, le type de monothéisme.
Il est vrai que le christianisme a beaucoup emprunté à l'Ancien Testament et à la culture religieuse ambiante, que les Évangiles ont été écrits dans un but catéchétique et contiennent une part de mythes, mais de là à nier tout caractère historique au peuple juif, à l'existence de Jésus et à la foi des premiers chrétiens, il y a une marge inacceptable. L'auteur disqualifie bien vite les quatre évangélistes, et les auteurs profanes (Pline, Tacite, Suétone, Josèphe) qui attestent l'existence de Jésus. Il semble tout ignorer de la recherche exégétique des cent dernières années, notamment des études scientifiques modernes sur la composition des évangiles.
Il est vrai aussi que les Pères des IIIe et IVe siècles ont fait des choix dans les écrits et idées répandus. Ils ont brûlé des livres considérés comme hérétiques; cependant la bibliothèque d'Alexandrie a été cinq ou six fois la proie des flammes, d'abord en 89 avant J.-C. par Ptolémée, puis en 48 par les Romains et la dernière fois en en 691 par les Arabes. Ils ont exprimé la doctrine dans le vocabulaire et la philosophie grecs par souci d'inculturation, mais déjà l'essentiel était fixé. Contrairement à ce que prétend l'auteur, Paul affirme plusieurs fois le fait historique de Jésus: sa naissance qui le fait homme et descendant de David (Ga 4,4; Rm 1,3), le dernier repas pris avec ses disciples (1 Co 11,23-29), sa mort et mise au tombeau (Ph 2,8; 1Co 2,2) et sa résurrection (1 Co 15, 3-4). Irénée de Lyon est lui aussi très ferme, contrairement à ce qu'écrit Harpur.
Le livre insiste par ailleurs sur la richesse des mythes, l'importance des rituels et célébrations, le souci d'une spiritualité profonde. Mais son interprétation des religions anciennes et ses critiques du christianisme lui enlèvent presque toute valeur. Bref, si l'auteur s'était limité à exposer sa conception de la spiritualité et de la religion, on pourrait apprécier son livre. Celles-ci rejoignent le courant religieux du gnosticisme, connu depuis longtemps et aujourd'hui populaire dans certains milieux.