Note de la direction
Chers collègues,
Un nombre beaucoup plus élevé de décès que celui des mois précédents a été enregistré depuis la parution du dernier numéro des «Nouvelles de l’APRUM » au début de mai dernier. Cette situation nous place devant un problème singulier soit un trop grand nombre d’hommages pour un seul numéro. Nous avons choisi de limiter à six le nombre de notices nécrologiques dans les deux prochains numéros. C’est croyons-nous la meilleure façon d’honorer le souvenir de nos défunts et de respecter la douleur des familles concernées et des collègues lecteurs.
Notre choix a été de publier dans ce numéro les hommages correspondant aux six premiers décès survenus. Lors du prochain numéro qui vous parviendra au début d’octobre vous trouverez les hommages à six autres collègues décédés par la suite, soit Ludger Beauregard, Yves Aubert-Côté, Kathleen Connors, Yvon Sicotte, Gilles Chaussé, Luc Giroux.
Nous offrons toutes nos condoléances aux familles et aux collègues éprouvés.
La direction de l’APRUM
Jeanne Fortin 1921-2011 – In memoriam
NDLR: Le décès de ce professeur n’a pas été signalé à l'APRUM lorsqu’il est survenu. Il explique le présent retard à présenter l'hommage qui lui est dû.
Jeanne Fortin, travailleuse sociale est décédée à St-Lambert le 8 août 2011 à l'âge de 90 ans. Elle était originaire de St-Jean sur Richelieu. Elle a fait partie des premières cohortes d’étudiantes (1946 à 1948) de l’École de service social de l’Université de Montréal. Son premier emploi de travailleuse sociale fut au Bureau d’assistance aux familles de Montréal qui devint la Société de service social aux familles où elle pratiqua le service social généraliste pendant 10 ans auprès de la clientèle du quartier Centre-Sud. Elle se rendit ensuite à Yonkers en banlieue de New-York où pendant deux ans elle fit du counselling familial au Catholic Family Services. À son retour elle devint directrice fondatrice du service social Richelieu à Verdun. Au début des années 1960 elle se joignit à l'équipe de professeurs de l'École de service social de l'Université de Montréal dirigée par l'abbé Shaun Govenlock. Nommée successivement chargée d'enseignement, puis professeur adjoint, elle a travaillé à l'organisation des stages et à la supervision des étudiants à la maîtrise en service social, puis au baccalauréat pendant dix années. À titre de professeur de stage et de formation pratique en travail social elle assuma d’abord la responsabilité d’équipes d’étudiants en stage puis fut responsable de toute l'organisation des stages, du placement des étudiants, puis, de la surveillance de leur travail dans les agences. Suite à son départ de l'Université de Montréal en juin 1971 elle a exercé des fonctions similaires à l'Université Carleton jusqu’en 1980. Elle a terminé sa carrière au Service Social Ville-Marie où elle a occupé le poste de coordonnatrice des programmes jusqu'à sa retraite en 1988.Tout au long de sa carrière elle a assumé à plusieurs reprises, en sus de son travail régulier, la supervision d’étudiants de diverses écoles de service social du Canada et des États-Unis, dont entre autres, St-Patrick à Ottawa et Fordham à New-York.
Jeanne Fortin peut être considérée comme une des pionnières du service social généraliste en milieu francophone à Montréal. Au niveau de la formation des étudiants et des jeunes professionnels à la pratique elle a apporté une contribution remarquable comme superviseure et responsable de la formation pratique.
Jacques Alary
Gilles Rondeau
Anciens collègues de Jeanne Fortin
Hommage de l’École de réadaptation à madame
Michelle Tourillon-Meyer
En mai dernier décédait Mme Michelle Tourillon-Meyer, professeure agrégée et retraitée du programme de physiothérapie de l’École de réadaptation. Il y aura bientôt cinquante ans, soit en 1964, Mme Tourillon-Meyer était engagée comme chargée d’enseignement sénior en « réhabilitation » à l’Université de Montréal. Cette femme énergique formée en Angleterre, à une époque où elle payait un penny la chaudière de charbon pour se réchauffer la nuit, fût de retour au Québec avec un « teacher certificate » et, après avoir obtenu une maîtrise en éducation, elle fût nommée professeur adjoint, toujours en réhabilitation. C’est en 1972 qu’elle devint, pour la première fois, chef de la section de physiothérapie. Elle fût nommée professeure agrégée en 1979.
Cette femme exceptionnelle, qui adorait sa profession et l’enseignement et s’exprimait toujours dans un langage impeccable et posé, était estimée de tous. Elle était charmante avec son beau sourire. Conviviale, sa grande culture lui permettait d’initier des discussions dans plusieurs domaines. Une de ses grandes qualités, pour laquelle elle était tant aimée, était le respect d’autrui et des opinions de chacun. Ce qui ne l’empêchait surtout pas d’exprimer sa pensée suite à une écoute attentive. Ainsi, elle était très active dans les réunions de programme et de département où elle a toujours fait valoir ses points de vue très pertinents. Lors des refontes et des préparations des visites d’agrément de programme, elle était très appréciée car elle savait rallier les collègues à des décisions bénéfiques pour le programme et le département.
Madame Tourillon-Meyer enseignait l’électrothérapie et a été instigatrice et présidente du comité de formation continue en électrothérapie. Les programmes de cours qu'elle a mis sur pied étaient hautement reconnus et très recherchés par les physiothérapeutes pratiquant en clinique. Pendant de nombreuses années, les étudiants et professeurs de l'École ont conservé un standard élevé en électrothérapie, tout en travaillant avec un équipement démodé ou prêté par des fournisseurs. Grâce à sa persistance et ses nombreuses requêtes Mme Tourillon-Meyer a réussi, avant de prendre sa retraite en 1997, à obtenir des fonds suffisants pour remplacer tous les stimulateurs électriques vétustes. Voilà un bel exemple de cette femme engagée qui, jusqu’à son départ de l’Université, a consacrée sa vie à une carrière dévouée.
En mai dernier, le destin emporta cette femme passionnée qui était toujours prête à aider son prochain. Le souvenir de madame Tourillon-Meyer restera longtemps gravé en nous.
Robert Forget
Directeur,
Programme de physiothérapie
École de réadaptation
Hommage à la professeure Claude-Lise Richer
Claude-Lise Richer fut, en 1958, la première femme engagée comme professeure de carrière à la Faculté de médecine. Elle y recevait son doctorat en médecine en 1954 et sa maîtrise ès sciences en médecine et chirurgie expérimentale en 1957 après des études suivies auprès du professeur Hans Selye. Sa résidence de 1957 à 1958 a été faite à l’Hôpital Maisonneuve. En 1968, elle était promue à l’agrégation et devenait professeure titulaire en 1980. De 1974 à 1977, elle fait une spécialisation en cytogénétique à l’Hôpital des enfants malades à Paris sous la direction du professeur Lejeune.
Spécialiste de l’histologie, de la neuro-anatomie et de l’endocrinologie, elle a contribué à fonder, en 1959, le laboratoire des sciences neurologiques qui devait devenir plus tard le Centre de recherche en sciences neurologiques ainsi qu’à la création du Groupe de recherche en oncogénétique du Département de pathologie de la Faculté de médecine. Elle a été membre du Centre de recherche en reproduction animale de la Faculté de médecine vétérinaire ainsi que du Centre de recherche pédiatrique de l’hôpital Sainte-Justine, en plus d’être membre fondateur de l’Association de cytogénétique du Québec et de l’American College of Medical Genetics.
En 1983, Claude-Lise Richer était nommée membre du Comité permanent sur le statut de la femme à l’Université de Montréal et en a assumé la présidence de 1987 à 1991. Elle s’est également impliquée dans l’administration de sa faculté à titre d’adjointe au doyen pour les affaires académiques et au sein d’instances universitaires dont l’Assemblée universitaire (1972-1974), le Comité de retraite (1988-1992) et le Comité consultatif pour le programme d’accès à l’égalité en emploi (1988-1990). Au moment de sa retraite, en 1995, elle acceptait d’occuper les fonctions de trésorière au sein du Conseil de l’APRUM.
En 1993, l’Association des médecins de langue française du Canada lui décernait le Prix des médecins de cœur et d’action qui vise à reconnaître la contribution d’un médecin qui s’est illustré de façon exceptionnelle dans sa vie professionnelle et dans la société, par des réalisations dont l’honneur s’est répercuté sur la profession. Lors de la Collation solennelle des grades de mai 1995, elle était proclamée professeure émérite de l’Université
Tous ceux qui ont eu le privilège de la connaître, parents, amis, ses collègues de travail et ses étudiants de l'Université de Montréal et de l'Hôpital Ste-Justine, garderont le bon souvenir de la grande dame qu'elle était.
Michel Lespéranc
Hommage à la professeure Marguerite Mathieu
Le 6 mai 2012 à l'âge de 93 ans décédait Marguerite Mathieu, pionnière du travail social à l’Université de Montréal, au Québec, au Canada et dans le monde. Marguerite Mathieu a obtenu une maîtrise en travail social de l'Université McGill en 1941 ce qui la place d'office dans la première génération de travailleuses sociales francophones au Canada. Elle a, dans ses premières années de pratique, travaillé à la Société d'aide à l'enfance d'Ottawa puis au Service familial de Hull.
En 1950, elle accepta un poste de professeur à l'Université de Montréal. Étant une des premières travailleuses sociales francophones avec maîtrise et comptant dix années d'expérience elle fut ardemment sollicitée pour l'enseignement. Au cours des années 60, on lui offrit la possibilité de faire un doctorat à l'Université de Chicago. Après un an, on lui demanda toutefois de revenir parce qu'il manquait de professeurs et on lui confia plusieurs responsabilités. En 1968 elle fut la première personne laïque et la première femme à assumer la direction de l'École de service social.
Les deux années de sa direction furent éprouvantes parce que marquées par des contestations étudiantes et la difficulté pour les professeurs de s'entendre sur un nouveau programme. Elle offrit sa démission en février 1970 et quitta alors l'Université de Montréal pour retourner à Ottawa.
Elle y assuma la direction administrative de la nouvelle Association canadienne des écoles de service social qu'elle consolida et développa. En 1978 elle fut nommée secrétaire générale de l'Association internationale des écoles de service social avec résidence à Vienne en Autriche, poste qu'elle occupa jusqu'en 1985. Son rayonnement sur le service social international, canadien et québécois fut considérable. Sa contribution remarquable à l'enseignement du service social lui a valu de recevoir le titre de Docteur honoris causa en sciences sociales de trois universités: Moncton, York et Ottawa.
Gilles Rondeau
Ancien étudiant de madame Mathieu
Ancien collègue de celle-ci et professeur qui travailla sous sa direction.
Hommage au professeur François Chevrette
C’est avec une grande consternation que nous avons appris le décès subit de notre collègue François Chevrette survenu le 19 mai dernier. Malgré ses 70 ans, celui-ci était toujours aussi actif à la Faculté de droit où il était professeur depuis près de 45 ans. Au moment de son décès, il était à corriger les travaux de ses étudiants du baccalauréat à qui il avait enseigné, avec une passion intarissable, les fondements juridiques des libertés publiques. Par son décès, la Faculté de droit de l'Université de Montréal et la communauté juridique du Québec perdaient un grand constitutionnaliste et un universitaire de très haut niveau.
Né à Montréal en 1941, François Chevrette avait fait des études classiques au Séminaire de Joliette de 1953 à 1961. Une fois obtenue la licence en droit de l'Université de Montréal, il fut reçu au Barreau du Québec en 1966. Il s’envola par la suite vers l’Europe pour y poursuivre des études supérieures en droit et en science politique.
Il fut nommé professeur de droit public à la Faculté de droit en 1968 et promu à l’agrégation dès 1971. Il accéda au rang de titulaire en 1977 et, la même année, fut nommé membre du Comité du statut du corps professoral de l’Université. Doyen de la Faculté de 1984 à 1988, il a également agi comme consultant auprès de divers ministères et organismes gouvernementaux, fédéraux et provinciaux. Il fut longtemps associé aux travaux du Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal (CRDP).
Selon Danielle Pinard, qui exerça la fonction de vice-doyenne aux études de 1er cycle à la Faculté de droit au cours des quatre dernières années, « François Chevrette était un homme d'exception. Rarement aura-t-on rencontré chez une même personne une telle stature intellectuelle alliée à tant de générosité. Il avait l'humilité des grands. Il a travaillé dans l'ombre. En effet, on retrouve une grande part de son inspiration dans nombre de textes de ses collègues et étudiants. Son départ laisse chez moi, et à la Faculté, un vide infini et définitif. »
Le professeur Chevrette signa plusieurs publications marquantes, reconnues pour la profondeur de leur analyse et l'élégance de leur expression. La qualité de ses travaux de recherche n’eut d’égale que la générosité dont il fit preuve par le soutien indéfectible qu’il apportait à ses collègues et étudiants. Véritable mentor pour plusieurs générations de juristes, il sut transmettre sa passion débordante et son érudition en toute modestie. Communicateur d’une rare habileté et toujours d'excellent conseil, il avait le don de faire naître les vocations pour le droit et pour le travail intellectuel en général. François Chevrette aura consacré toute une vie à l’atteinte des idéaux académiques les plus nobles. Il était l’incarnation même de l’excellence universitaire dans toute sa splendeur.
Texte rédigé par le professeur Gilles Trudeau, doyen de la Faculté de droit de 2008 à 2012, à partir de l’hommage que des collègues de François Chevrette avaient écrit dans les jours suivant son décès.
Hommage à la professeure Marthe Demers
Marthe Demers, professeure retraitée de la Faculté des sciences de l’éducation est décédée le 10 juin dernier à l'âge de 88 ans. Elle a commencé sa carrière à l’École normale supérieure en 1969 à titre de professeure agrégée et obtenait sa permanence dès juin 1970 et sa titularisation en 1978.
C’est en ces termes que le professeur Pierre Nonnon lui rendait témoignage : « Marthe Demers était professeure en didactique des sciences à la section secondaire et collégiale. Elle fut vraiment la première à promouvoir cette discipline dans notre faculté. En développant le premier laboratoire de didactique des sciences, elle affirmait sa conviction que les sciences ne peuvent se contenter de cours magistraux, qu’il fallait mettre l’étudiant dans un environnement où il pourrait pratiquer l’investigation scientifique. Elle a aussi beaucoup appuyé et défendu l’apprentissage par découverte guidée et le micro enseignement en sciences.
Avec une carrière bien remplie, Marthe Demers a pris sa retraite. Elle nous quitte aujourd’hui, mais son souvenir nous restera comme celui d’une chercheure rigoureuse qui nous a laissé en héritage un grand nombre de publications et de travaux qui influencent encore aujourd’hui nos pratiques d’enseignants et de chercheurs.
Laissez-moi vous dire tout le bien que je pense de Marthe, elle a été une pionnière et nous a supporté généreusement au tout début de notre carrière à l’Université de Montréal. »
Profondément convaincue de l'importance de soutenir financièrement sa Faculté, elle a établi en 1986 le Fonds Marthe Demers. Ce Fonds permet d'accorder annuellement un prix pour la planification bien ordonnée d'un projet de recherche, une excellente façon d'encourager les jeunes chercheurs.
Michel Lespérance